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Risques d'exposition au Covid-19 : on a relevé les taux de CO2 dans des écoles, des transports, des commerces et des lieux publics

Brice Le Borgne / France Télévisions
Publié le 17/09/2021

Des pics de dioxyde de carbone inquiétants dans des salles de classe, mais des courbes presque plates dans d'autres écoles… Nous avons réalisé de nombreux relevés de la qualité de l'air, afin d'estimer le risque de contamination dans différents espaces publics.

Depuis un an et demi, le Covid-19, imperceptible à l'œil nu et se transmettant essentiellement par voie aérienne, perturbe notre quotidien. Pour faire face à ce problème, de nombreux scientifiques, médecins ou responsables politiques insistent sur l'importance d'un outil : le capteur de dioxyde de carbone.

Car mesurer le CO2, c'est peu ou prou relever la quantité de particules – les aérosols  expulsées par une personne qui tousse, parle, chante ou respire profondément. Plus il y a de CO2 dans une pièce, plus cela veut dire que l'air est mal renouvelé, et donc que le risque de contamination au Covid-19 est présent si une personne positive est dans la pièce.

Comment les capteurs de CO2 ont tant bien que mal fini par s'imposer :

Les lieux publics que l'on fréquente régulièrement sont-ils bien aérés, ou au contraire confinés ? Pour le savoir, nous nous sommes procuré l'un des capteurs de CO2 les plus populaires, pour relever le niveau de dioxyde de carbone dans plusieurs de ces endroits. C'est un petit boîtier, un peu plus grand qu'une éponge, qui enregistre toutes les minutes le niveau de dioxyde de carbone dans l'air. Et dans de très nombreux lieux, le petit écran affichait une valeur supérieure à 800 ppm (partie par million), la valeur limite en lieu clos selon le Haut Conseil de la santé publique. Capteur en main et masque sur le nez, franceinfo vous entraîne dans cette expérience grandeur nature. 

  • Dans les transports en commun :

Chaque jour, 12 millions de voyages sont effectués sur les réseaux de la RATP, en Ile-de-France, et les deux tiers d'entre eux dans des métros et RER. D'une ligne à l'autre, d'une heure à une autre, la configuration peut être très différente : fenêtres ouvertes ou fermées, rames bondées ou clairsemées…

Nous avons réalisé différentes mesures, en heure de pointe ou non, dans plusieurs lignes de métro et de RER. Quand les rames ne sont pas bondées, il a été rare que la valeur affichée par le capteur dépasse les 1 000. Mais pour les relevés réalisés pendant les heures de pointe, sur quatre lignes différentes, c'était systématiquement le cas. Les valeurs oscillent entre 1 000 et 1 500, avec un pic observé à 1 565 sur la ligne 4, entre Châtelet et Saint-Michel, en plein cœur de Paris.

Est-ce à dire que les transports sont des clusters en puissance ? Impossible de l'affirmer. Certes, un niveau de CO2 situé entre 1 000 et 1 500 est trop élevé dans le contexte de l'épidémie de Covid-19, mais lors des précédentes vagues, il a été impossible d'identifier des clusters dans des transports en commun. En mars 2021, une étude de l'Institut Pasteur, portant sur les lieux de contamination de dizaines de milliers de personnes entre octobre 2020 et janvier 2021, estimait que les transports en commun n'étaient pas associés à un sur-risque d'infection, contrairement, par exemple, au covoiturage.
 

  • Dans des TGV

D'autres mesures sont un peu plus inquiétantes. Nous avons sorti notre capteur lors de trajets en train, notamment lors d'un aller-retour entre Paris et Quimper (Finistère), soit un voyage d'un peu moins de quatre heures. Le premier constat, trivial, est que le niveau de CO2 dépend du nombre de personnes à bord : plus le train est proche de Paris, plus il est chargé. Ainsi, lors du trajet de Paris à Quimper, le niveau de dioxyde de carbone a continuellement baissé au fil des arrêts entre Rennes et le Finistère, alors que les rames se vidaient progressivement. Pour le Quimper-Paris, c'est l'inverse.

Un second constat est frappant : on observe des pics inédits de CO2 pendant plusieurs dizaines de minutes. Juste après l'arrêt à Rennes, alors que la ventilation semble s'être coupée, la courbe passe au-dessus des 3 000 de 21h50 à 22h06, avec un impressionnant pic à 4 457 ppm. Au bout d'une vingtaine de minutes, la ventilation se remet en route, et le niveau de CO2 redescend brutalement, pour osciller tout de même entre 1 500 et 2 000 pendant le reste du trajet.

Ce scénario d'un pic dépassant les 3 000 ppm en CO2, nous n'avons pas été les seuls à en constater. Des chercheurs contactés par France Info, faisant de temps à autre des mesures, nous ont raconté un épisode similaire ; l'Inspection du travail a également réalisé des relevés semblables dans des TGV.

Interrogée par nos soins, la SNCF se veut rassurante. "Des pics peuvent intervenir au cours d'un voyage lors de l'interruption temporaire de la ventilation dans une voiture : c'est le cas par exemple lors du raccordement de deux rames TGV, où l'alimentation électrique peut être interrompue quelques minutes. Ces situations sont banales, fréquentes et observables sur toutes les lignes de la SNCF", précise l'entreprise.

Le sujet est sensible. Début juin 2021, Mediapart a justement publié les résultats du rapport de l'Inspection du travail transmis à la direction de l'entreprise ferroviaire, montrant des relevés pour certains similaires. Depuis, la SNCF le répète : "Les recommandations du Haut Conseil de la santé publique d'un seuil de taux de CO2 de 800 ppm ne concernent pas le transport ferroviaire. La SNCF applique pour le renouvellement de l'air au sein de ses TGV la réglementation en vigueur dans le transport ferroviaire, qui précise que le niveau de CO2 ne doit pas dépasser 5 000 ppm dans toutes les conditions d'exploitation". Un seuil critique qui n'a pas été franchi pendant nos relevés.
 

  • Dans des salles de classe

Autre lieu où le sujet du CO2 est d'actualité : la salle de classe. Alors qu'environ 15 millions de jeunes font en septembre leur rentrée dans les écoles, collèges, lycées ou établissements d'enseignement supérieur, nous avons voulu réaliser quelques mesures dans des écoles et collèges. 

Les deux mesures que nous avons pu effectuer ont été très différentes. La première, dans une classe de primaire de 15 enfants masqués, à Paris, avec les fenêtres ouvertes pendant toute la durée du cours. Le verdict est clair : la courbe ne dépasse à aucun moment le seuil des 800 ppm (graphique de droite ci-dessous). En revanche, la seconde mesure a été réalisée dans un collège de Seine-Saint-Denis, pendant une journée de rentrée dans une pièce accueillant 25 élèves, eux aussi masqués. 

Là, le capteur s'est affolé. "Le cours a commencé à 8 heures, et à 9 heures on était à 2 298", explique la professeure de ce collège, ayant réalisé ces relevés pour France Info. "Mais il suffisait que j'ouvre la porte et les fenêtres et ça baissait d'un coup". Dans la journée, un pic à 3 175 a été observé. Mais à cause d'un problème technique, le capteur n'a malheureusement pas sauvegardé les données de toute la journée.

"Si vous avez une valeur entre 2 000 et 3 000 qui persiste longtemps, cela veut dire qu'il s'agit d'un lieu confiné, appuie Fabien Squinazi, médecin biologiste et membre du Haut Conseil de la santé publique. Et même en dehors du Covid-19, des études comparatives ont montré que les élèves étaient moins réactifs dans un lieu confiné, par rapport à un lieu bien aéré."

Des pics de CO2 au-delà de 2 000 ou 3 000 ppm ne sont visiblement pas si exceptionnels. Le 5 septembre, le collectif "Du Côté de la Science" publiait les mesures réalisées dans une autre classe de 25 élèves, avec un pic à plus de 2 800. Pire, un rapport publié par la ville de Paris, à la suite de l'installation de centaines de capteurs dans des établissements parisiens, montre que des valeurs dépassant les 4 000 ppm, valeur inédite, ont été relevées dans certaines classes d'écoles primaires. Le rapport précise que ces cas extrêmes sont minoritaires et précise que "le capteur a permis aux équipes et aux enfants de prendre conscience que l'aération devait être encore plus régulière".
 

  • Dans des centres commerciaux

Vous aimez le shopping ? Nous, non, mais notre enquête valait bien la peine de sacrifier un samedi après-midi pour arpenter les centres commerciaux fréquentés de la capitale. Pour se rassurer, essentiellement : dans les grands lieux de lèche-vitrines parisiens que nous avons visités, la valeur de notre capteur est restée relativement faible. En dessous des 800 dans les Galeries Lafayette et dans le centre commercial des Halles, et à peine plus de 1 000 pour les nouvelles boutiques de La Samaritaine. D'autant que le pass sanitaire y était exigé. 

Exception à ces mesures : les cabines d'essayage. Dans un magasin de prêt-à-porter, ainsi que dans une boutique de fripes représentée ci-dessous, le capteur de CO2 affichait plus de 1 400 : ce sont des lieux où le renouvellement de l'air est moins efficace.

  • Dans des salles de cinéma

Autre lieu public où passer du temps est un loisir : le cinéma. Où l'on reste assis, enfermé, plusieurs heures et à proximité de dizaines de personnes, censées rester masquées. Nous avons pu faire une mesure lors d'une projection dans une salle d'un cinéma moderne, comportant environ 350 places et remplie au tiers seulement Cela a tout de même été suffisant pour dépasser le seuil recommandé de 800. Le niveau de CO2 a dépassé les 1 000 en 30 minutes, avant de stagner autour de 1 120 pendant la dernière demi-heure. Il est aussi intéressant de noter que le CO2, comme l'air chaud, a tendance à monter. Ainsi, en regagnant la sortie située à l'arrière de la salle, et donc en hauteur, on note un pic à 1 330 ppm.

Ces valeurs auraient probablement été plus élevées avec une salle remplie davantage qu'au tiers. Enseignant à l'Université Haute-Alsace, Germain Forestier a assisté à une projection du film Kaamelott dans une salle pleine, dans un cinéma relativement récent. Résultat : une fin de séance avec un compteur ayant dépassé les 2 200.

Nous sommes donc loin d'être les seuls à réaliser toutes ces mesures, et nous n'avons pas pu effectuer des relevés dans tous les lieux où nous aurions souhaité le faire. Sur les réseaux sociaux, d'autres curieux publient leurs résultats. Dans des avions, restaurants, chez le coiffeur ou l'esthéticienne… 

* Méthodologie : pour chaque mesure, nous avons tenté de suivre au mieux les recommandations des différentes associations spécialistes du sujet, en plaçant le capteur de CO2 à hauteur de respiration humaine mais éloigné des points de circulation d'air (fenêtre, ventilation, individus…). Ces mesures, réalisées au hasard et à une petite échelle, n'ont pas vocation à définir si tous les lieux du type de ceux mesurés ici sont bien ou mal aérés, ou présentent un risque accru de contamination.

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